lundi 7 juillet 2008

Hazoumé, Alain et Edgard, Afrique, un avenir en sursis, Paris, l’Harmattan 1988


Il ne serait pas honnête de ne pas évoquer tous les chemins de réflexions et les lectures que je parcours pour mieux comprendre mon environnement actuel et pour cerner mes utilités potentielles.
Pour cela, je dois lire les critiques formulées par certains intellectuels africains sur leur propre continent. Il me semble que ces discours mettent souvent mal à l’aise les populations du continent mais aussi les populations occidentales. Ce malaise me semble révélateur mais surtout pas suffisant pour que je décide de ne pas présenter dans les prochaines semaines quelques passages du livre, Afrique, un avenir en sursis, des frères Hazoumé.
Chacun doit balayer devant sa porte en premier lieu, dit le dicton populaire. Ce livre est exemplaire à ce niveau. Peut être cela nous permettra-t-il d’amorcer notre propre travail d’autocritique, en insistant sur la nécessité de nous débarrasser des visions romantiques et impérialistes à propos de l’Afrique qui nous furent transmises tant par notre éducation académique que par nos éducations familiale et sociétale.
Pour aujourd’hui, je vous laisse avec une partie de la préface que Jean Ziegler, rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation du Conseil des droits de l’homme de l'Organisation des Nations Unies de 2000 à 2008, a rédigée pour ce livre.

« Paul Valéry raconte l’étrange et troublante histoire d’un arbre qui pousse en Inde et ne porte des fruits que sous l’orage. Alain et Edgard Hazoumé ressemblent à cet arbre : leur livre puissant, écrit dans une langue de colère et de beauté, est le fruit du dépit. Ils accusent : l’Afrique, mendiante, assise sur un tas d’or, est elle-même l’artisan de sa propre déchéance. Alain et Edgard Hazoumé savent de quoi ils parlent. Ils ont le droit de parler comme ils parlent. Leur mère est congolaise, leur père béninois. Avocat, économiste, ils n’utilisent pas leur situation de privilège pour tourner le dos à leurs peuples, pour oublier qui sur le continent exercent l’empire d’un pouvoir financier, culturel, politique quasi absolu.
J’ai rarement lu un libre qui soit aussi dur, si accusateur pour l’Afrique contemporaine. Ni d’ailleurs si bien, si passionnément écrit. Comme tout grand livre, celui-ci est le fruit d’une aventure personnelle, non d’une spéculation conceptuelle. Ce livre est une thérapie, un exorcisme…Écoutons : « Qui ne se souvient du jeune enfant qu’il fut, lorsqu’arrivée en « métropole », il dut apporter une réponse aux questions pressentes de ses petits camarades… » Questions qui sentaient bon la conviction et les préjugés colonialistes des parents. Car ces petits camarades posaient évidemment les questions, faisaient les remarques qui n’étaient que les échos des conversations entendues à la table familiale. Eux et nous. Très rapidement les frères Hazoumé ont dû choisir leur camp. Et c’est ce choix précoce qui donne aujourd’hui à leur argumentation cette force, cette crédibilité, cette conviction qui emporte presque irrésistiblement l’adhésion du lecteur et balaie ces pages comme une tornade. »