mercredi 10 septembre 2008

L'ethnologue martien




Je vais m’efforcer, de mémoire, de ne pas trahir les propos de Lévi-Strauss tirés de son ouvrage Tristes tropiques. Fut un temps, on reconnaissait la supériorité des sociétés occidentales au fait qu’elles formaient et envoyaient par delà les continents, des armées d’anthropologues et d’ethnologues. Voilà l’idée sur laquelle je veux revenir dans ce texte. La suite n’est que pure fiction personnelle…

Il y avait les chercheurs et les analysés. Ces disciplines qui ont atteint leurs lettres de noblesse avant la fin de l’ère des colonisations officielles, ont développé un vocabulaire qui se veut le plus neutre et le plus scientifique possible. La recherche d’une reconnaissance en tant que discipline distinct et respectable passe souvent par cette étape. L’économie avait dû elle aussi réussir ce rite de passage à l’âge adulte. Cette prétendue neutralité, entendons absence de jugement de valeurs, donne parfois l’impression d’avoir à faire à un médecin légiste penché sur son cadavre. L’effet est d’autant plus fort que le cadavre en question était et est encore colonisé. Je me propose donc, sur le ton de l’humour de rédiger le rapport de mission sur la planète terre ou d’imaginer les notes qu’aurait pu prendre un ethnologue martien en faisant ressortir, à travers un certain vocabulaire et un angle d’analyse totalement martien, on s’en doute, un sentiment qui me met souvent mal à l’aise lorsque dans certains projets de coopération internationale, on traite des particularités des populations ciblées, en recourant à ce vocabulaire pseudo scientifique.


* Note de début de compte rendu : Je me suis efforcé non par exotisme mais par souci de respect de mon sujet d’analyse de faire traduire mes notes prises en ÓÔŋË , à savoir la langue du sud de notre planète Mars, en l’un des dialectes rencontré dans une tribut particulièrement intéressante. L’étude de l’ensemble des organisations sociales de ce satellite de Mars m’est apparue plus complexe que prévu, je me suis donc attardé uniquement sur un groupe qui vit dans une zone qu’ils nomment la France. Comme je m’étais attaché les services d’un membre du groupe, particulièrement talentueux pour se défendre lors des joutes verbales avec ses congénères, je m’aperçu qu’avec beaucoup de patience de ma part je pourrai lui enseigner notre langue. C’est à lui aujourd’hui, après ces années d’étude, que je laisse la charge de traduire en annexe de mon travail, l’ensemble de mes notes. Je travaille à ce jour sur une méthode de compréhension de leurs moyens de communication plus vulgarisé qui satisfera éventuellement la curiosité d’autres chercheurs.

Je n’éditerai pas toutes les notes prises pour ce travail de recherche. Mais sous la forme d’une chronique intitulée : « A la découverte de l’humanerie », j’en divulguerai certains passages.

L’humanerie dans son ensemble se compose de groupes sociaux ayant des fonctions et des pouvoirs bien définis. Des mécanismes inconscients sont mis en place et relativement respectés, à l’échelle du groupe étudié, qui comprend presque 60 millions de membres, pour faire perdurer un équilibre relatif. Concernant ce constat nous pourrions généraliser les conclusions à l’ensemble de l’humanerie. Mais dans un souci de respect des règles de recherche nous nous en tiendrons au groupe initialement ciblé. Les classifications sont multiples, horizontales et verticales, relativement complexes. Les français, comme ils se nomment et nous reviendrons sur cette auto-appellation, font l’expérience de ces règles de conduite au cours du premier tiers de leur vie. Ils n’auront d’ailleurs véritablement un rôle au sein du groupe qu’une fois ce temps écoulé et l’ensemble des règles strictement reconnues et intériorisées. La nature a su s’adapter à leur mode de vie. En seulement quelques centaines de millier d’années leurs comportements sociétaux ont forcé l’ordre divin des choses à se plier à certaines de leurs pratiques. C’était d’ailleurs en partant de ce premier constat et des craintes qu’il suscitait en moi, que j’avais choisi mon sujet d’étude sur ce satellite de Mars. Revenons à ces pratiques. L’humanerie peut se diviser en deux groupes. D’un côté les femmes, à qui il revient notamment de concevoir les jeunes, de l’autre les hommes qui n’ont qu’un rôle mineur tant dans la procréation que dans l’élevage des rejetons. La nature, j’y reviens produit un peu plus de femmes que d’hommes à la naissance. D’une part, un certain nombre d’entres elles succombent lors de l’accouchement. Mais d’autre part, historiquement les femmes ont subi plusieurs formes de génocide telles les chasses dites « aux sorcières ». De plus elles sont dans une proportion non négligeable mortellement victimes de comportements de l’autre groupe. Ce que nous pourrions appeler sur Mars un fait injuste, est compensé par un système de gestion des lois, quasiment contrôlé par le groupe des hommes. Majoritairement, ils votent les lois, jugent et les appliquent. De façon général, le groupe des hommes est plus puissant, les mécanismes de société ayant été construit par eux. Leurs marabouts sont des hommes, leur dieu est un homme, les artisans de leur système, qu’ils soient scientifiques ou intellectuels, le sont tout autant. On observe majoritairement, encore au temps de mon étude, qu’à la tête de ce qu’ils appellent État, sorte de machine assurant l’immobilisme social, tant en nombre qu’en influence, que les hommes y étaient beaucoup plus représentés. Ils se sont assurés qu’on utilise majoritaire les dénominations masculines dans le langage de la France. En fait, tout comme dans la société les membres de ce groupe ont divisé le langage en deux, en s’accordant sur une supériorité du genre masculin. A travers une autre petite recherche, j’ai pu constater qu’on ne retrouvait pas nécessairement l’expression de l’ascendant de ce groupe à travers le langage dans d’autres sociétés de l’humanerie. Dans des dialectes dits anglais par exemple, ce découpage n’existe pas.
Je vais conclure ce texte, en espérant pouvoir continuer à vous faire découvrir ce sous-groupe de l’humanerie, lors du prochain tirage de ce journal.